**********MESSAGE INTERNE A NE PAS DIFFUSER***************

Salut à tous,



Voici un aperçu de se qui se passe en ce moment sur l'île de Lesbos:



Voilà 10 jours que je suis sur l'ile de Lesbos en Grèce, la coopération entre MSF et GP est incroyable, c'est l'alliance de l'expertise médicale et de situation d'urgence de MSF et l'expertise nautique et technologique de Greenpeace de l'autre. Pour le moment ça fonctionne à merveille. Nous avons sur place 2 gros zodiacs (UK et Allemand) avec deux équipes qui se relaient toutes les 12h dans chaque équipe il y a un "boat coordinateur" j'ai pris ce rôle depuis le 26 décembre. Un camping car a été loué pour observer le plan d'eau 24h/24h avec des équipes qui se relaient toutes les 8h. 2 hôtels, 1 pour toute l'équipe et 1 au pied du quai de nos 2 zodiacs (voir photo). L'équipe MSF a 2 ambulances pour couvrir la cote Nord (là ou les réfugiés arrivent) le soutien à terre est partagé entre un certain nombre d'organisations dont la croix rouge. La situation est plutôt confortable, nous dormons à l'hotel et avons des périodes de repos de 12h, pendant lesquelles ont s'amuse par exemple à faire le signe de la paix avec les milliers de gilets de sauvetage dans la décharge.



La journée type:

Nuit: Normalement les réfugiés ne sont pas aussi inconscients pour passer la nuit mais ça arrive et dans ces cas là très difficile de les voir car vous vous en douterez ils n'ont pas de lumière.

Jour:

5h30: Reveil

6h30 : Nous sortons avec les 2 zodiacs du port de Molyvos pour patrouiller sur la cote Nord en attente d'infos du camping car qui a un meilleur point de vue.

7h à 12h: Période où la plupart des zodiacs de réfugiés arrivent. Entre 0 et 16 pneumatiques en ce moment. 

11h: C'est l'heure à laquelle on doit être rentré à notre port car nous avons l'autorisation des gardes côte de sortir officiellement  pour "s'entrainer" en réalité patrouiller que de 6h à 11h. La relation avec eux est assez difficile, il est arrivé qu'on les appelle par rapport à un bateau en danger et qu'ils ne répondent pas au téléphone ou que la personne qui répond ne parle pas suffisamment bien anglais.

Après-midi: de rares bateaux arrivent.

18h: passation entre les 2 équipes.



L'expérience humaine que nous vivons ici est assez unique, tout d'abord entre les personnes de MSF et GP on apprend beaucoup les uns des autres.



Les réfugiés

La bande d'eau qui sépare la Turquie de la Grèce est de 10/12 km seulement (ce qui prend entre 45 min et 4 heures). Leurs pneumatiques font environ 10 mètres de long et contiennent parfois jusqu'à 70 personnes. Les échanges de regards sont puissants, ces personnes nous remercient à chaque fois du fond du coeur, il n'est pas toujours évident pour eux de comprendre que nous ne sommes pas des garde-côtes mais lorsqu'ils comprennent que nous sommes là pour les aider c'est souvent une explosion de joie! La plupart sont syriens, d'autres irakiens, afghans, pakistanais,  marocains, congolais. Quand ils ont un bébé à bord, souvent leur premier réflexe est de nous le montrer.



Samedi 26 décembre, j'ai envoyé le 1er MAYDAY RELAY de mon expérience de marin, ce message signifie que le bateau comporte un danger imminent pour la vie de l'équipage. En effet vers 9h30, la station de surveillance "Roméo" nous signale 2 pneumatiques de réfugiés en visuel, nous analysons très vite la situation du 1er puis nous nous dirigeons vers le 2eme à 500m où les gens crient. En s’approchant, nous constatons que le bateau est rempli à ras bord d'eau, moteur toujours en état de marche mais avec une vitesse très lente. Je lance à ce moment un appel à l'aide pour que d'autres bateaux viennent à la rescousse. Le plus difficile est de calmer l'équipage, lorsque les gens crient "help me!" leur faire comprendre que pour les sauver il faut qu'ils restent calmes. Nous avons pris la décision d'embarquer tout l'équipage du pneumatique de réfugiés à bord de nos 2 zodiacs Greenpeace. Nous avions 32 réfugiés à bord de notre bateau: 20 enfants, 8 femmes, 4 hommes, et il y avait 25 hommes sur le 2eme bateau GP. Nous les avons ensuite ramené au port le plus proche où une équipe à terre nous attendait. Nous n'avons pas eu de cas médical grave, "seulement" plusieurs hypothermies et une femme qui a perdu connaissance juste après avoir embarqué sur notre bateau (probablement en hypothermies avancée), après quelques claques (de l'infirmier) elle est revenue à elle. 



Il est aberrant qu'ils soient obligés de prendre ce chemin risqué et couteux (entre 1000 et 3000 euro par personne alors que le ferry pour le même trajet est de 20 euros seulement!) pour faute de visa d'entrée en Europe.



Futur

Une expérience poignante qui nous fait réfléchir à la suite, le vent forcit depuis hier, nous avons des pointes à 50km/h et la température est descendue à -3°C la nuit. Si les bateaux continuent de passer dans ces conditions (ce qui n'est pour le moment pas le cas: les deux derniers jours il y a eu une forte diminution du nombre d'arrivées), ça ne sera pas la même histoire. Nous craignons que les migrants ne puissent attendre que quelques jours en Turquie puis que les passeurs fassent pression pour traverser parce que la liste d'attente s'allonge du côté turc.

Les plans sont pour l'instant que l'équipe Greenpeace reste présente au moins tout le mois de janvier. Du coté des français présents dans l'équipe Greenpeace, 3 autres boat-drivers participe a cette mission depuis novembre sur des périodes de 2 à 4 semaines.



Photos ci-jointes



Liens internet:

http://www.lifo.gr/articles/society_articles/84912

http://www.theguardian.com/artanddesign/ng-interactive/2015/dec/21/photographer-of-the-year-2015-yannis-behrakis?CMP=fb_gu



Bonne année



Romain